Il existe beaucoup d’idées reçues sur le thème de la musculation pour les jeunes. Aujourd’hui encore, une majorité de parents, d’entraîneurs et de jeunes sportifs pensent que la pratique régulière d’exercices de musculation doit être absolument évitée avant la fin de la croissance. Les raisons évoquées sont souvent les mêmes : ces exercices auraient un impact négatif sur la croissance, les os ou encore les cartilages de conjugaison, la performance sportive, et ils seraient également dangereux et augmenteraient le risque de se blesser.
Et pourtant, depuis de nombreuses années, l’avis des spécialistes et les études scientifiques vont à l’encontre de ces croyances.
Musculation pour les jeunes : de quoi parle-t-on exactement ?
Programmes identiques à ceux des adultes, charges beaucoup trop lourdes, mauvaise technique/exécution des mouvements, etc, trop de parents et d’entraîneurs ont encore une fausse image de la musculation qui ne correspond absolument pas aux pratiques d’un coach compétent.
Il est important de comprendre qu’il existe énormément de façons différentes de « faire de la musculation », que ce soit au niveau du matériel utilisé, du choix des exercices, des méthodes d’entraînement ou encore du but pour lequel cette activité est pratiquée. Dans tous les cas, les entraînements doivent être entièrement adaptés à l’individu, à son niveau, à son objectif, et bien sûr à son âge.
Dans la plupart des articles/études que je vais citer, le terme anglais resistance training est souvent utilisé pour parler de la musculation et des exercices qui y sont associés. Bien que chaque auteur définisse ce terme à sa façon, on retrouve malgré tout des similitudes entre les différentes définitions. Voici celle que le Docteur Faigenbaum utilise généralement dans ses livres et publications scientifiques :
« Par définition, le terme resistance training fait référence à une méthode d’entraînement qui implique l’utilisation progressive d’une large gamme de résistances, différentes vitesses d’exécution et une grande variété de modalités, incluant les machines de musculation, les poids libres (barres, haltères, kettlebells, etc), les bandes élastiques, les medicine balls, les exercices pliométriques, les exercices au poids de corps, etc.
Le terme resistance training doit être différencié des sports comme l’haltérophilie et la force athlétique où le pratiquant s’entraîne régulièrement avec de lourdes charges et tente de soulever les barres les plus lourdes possible en compétition.
Le terme resistance training doit également être différencié des sports comme le culturisme où l’objectif est le volume musculaire, la symétrie ou encore la définition musculaire. »
Que disent les spécialistes et les études ?
Depuis de nombreuses années, les recommandations des spécialistes et les résultats des études vont à l’encontre des fausses croyances à propos des exercices de musculation pratiqués pendant l’enfance et l’adolescence, il serait donc temps d’en finir avec tous les mythes et idées reçues à ce sujet.
La pratique régulière d’exercices de musculation pendant la jeunesse peut avoir de nombreux bénéfices, à condition bien sûr qu’elle soit effectuée de façon correcte, cohérente, adaptée, et en étant guidé par un coach compétent. Si ces conditions sont respectées la musculation n’est pas plus dangereuse ou risquée que n’importe quelle autre pratique sportive.
En avril 2014, une équipe de 20 personnes a publié dans le British Journal of Sports Medicine un rapport sur la musculation pour les jeunes (1). Ce groupe de travail était composé de spécialistes de différents domaines, notamment la science de l’exercice chez l’enfant, la médecine pédiatrique, l’éducation physique, la force et le conditionnement physique, et la médecine sportive.
L’équipe avait pour objectif de définir une position claire et unanime sur la pratique de la musculation pour les jeunes ainsi que des recommandations d’entraînement pour ce type de public, le tout en tenant compte des connaissances actuelles et en s’appuyant sur la littérature scientifique existante sur le sujet (le rapport contient 243 références). Ce document aborde donc tous les principaux sujets qui sont habituellement discutés à propos de la musculation pour les jeunes : l’impact sur la croissance et les cartilages de conjugaison, les bénéfices pour la santé, l’intérêt pour la prévention des blessures liées à la pratique d’autres sports, les effets sur le développement de la force, les capacités motrices et la performance physique, etc.
Voici deux extraits de ce rapport :
- « Les recherches indiquent que différentes formes d’entraînement en musculation permettent d’obtenir des améliorations significatives de la performance au niveau de la force musculaire, de la puissance, de la vitesse de course, de la vitesse de changement de direction et des capacités motrices pendant la jeunesse. D’un point de vue de la santé, les preuves indiquent que les exercices de musculation peuvent engendrer des modifications positives sur la composition corporelle, réduire la masse grasse, améliorer la sensibilité à l’insuline chez des adolescents étant en surpoids et la fonction cardiaque chez des enfants étant obèses. Il a également été démontré qu’une participation régulière à un programme adapté de musculation pouvait améliorer la densité minérale osseuse et la santé osseuse, et également réduire le risque de blessures engendrées par la pratique sportive chez de jeunes sportifs. »
- « Un ensemble incontestable de preuves scientifiques soutient la participation des jeunes à des programmes de musculation conçus de manière appropriée, sous la surveillance et les consignes de professionnels qualifiés. »
Les travaux du Docteur Faigenbaum
En 2010, le Docteur Faigenbaum a publié une étude de plus sur le sujet musculation pour les jeunes, dans le British Journal of Sports Medicine (2). Il a passé en revue les principales études et recherches existantes, dans le but de définir les risques liés à la pratique de la musculation pendant l’enfance et l’adolescence, l’efficacité de la musculation pour les jeunes, ainsi que les effets de la musculation pour la prévention des blessures engendrées par la pratique d’autres sports. Voici 5 extraits de cette étude :
- « Les recherches actuelles indiquent que l’entraînement avec résistance peut être une activité sûre, efficace et utile pour les enfants et les adolescents, à condition que des professionnels qualifiés encadrent les séances et fournissent des instructions adaptées à l’âge sur les procédures d’entraînements et des consignes sûres. »
- « Il y a des preuves claires qui montrent que la pratique d’exercices de musculation peut être une activité utile et bénéfique pour les enfants et les adolescents. »
- « La plupart des blessures liées à la pratique de musculation chez les jeunes sont le résultat d’un encadrement inadapté, qui est à la base de mauvaises techniques d’exécution et de charges inappropriées. »
- « Les risques de blessures musculosquelettiques induites par une pratique adaptée de la musculation n’apparaissent pas comme étant supérieurs à ceux d’autres sports et activités que pratiquent régulièrement les enfants et les adolescents.
- « Les exercices de musculation apparaissent comme étant une stratégie efficace pour réduire les risques de blessures chez les jeunes sportifs. »
Le Docteur Faigenbaum est Professeur au département de la santé et sciences de l’exercice à l’université du New Jersey, où il y enseigne notamment des cours sur la promotion de la santé, la science de l’exercice chez l’enfant ou encore la physiologie de l’exercice. Comptant plus de 25 ans d’expérience, il est également auteur/co-auteur de 9 livres et de plus de 200 publications scientifiques, il a participé à l’écriture de différents chapitres de 39 livres, et il a été invité en tant qu’intervenant à participer à plus de 300 conférences à travers le monde.
Une grande partie de son travail passé et actuel concerne le sujet de l’activité physique pendant la jeunesse, et notamment le thème de la musculation pendant l’enfance et l’adolescence dont il explique l’intérêt et les bénéfices depuis de nombreuses années.
Les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé
En 2010, l’Organisation Mondiale de la Santé a publié dans un document de 60 pages ses recommandations mondiales sur l’activité physique pour la santé (3).
Les recommandations concernent 3 groupes d’âges : 5-17 ans, 18-64 ans, plus de 64 ans. Pour le groupe 5-17 ans, voici notamment ce que l’on peut lire : « Des activités d’intensité soutenue, notamment celles qui renforcent le système musculaire et l’état osseux, devraient être incorporées au moins trois fois par semaine. »
L’OMS donne également des précisions à propos de ces activités qui renforcent le système musculaire et l’état osseux :
- « Exercice de renforcement musculaire : activité ou exercices physiques qui augmentent la force, la puissance, l’endurance et la masse des muscles squelettiques (par exemple exercices de force ou de résistance ou exercices de renforcement musculaire ou d’endurance). »
- « Exercice d’amélioration de l’état osseux : activité physique essentiellement destinée à accroître la solidité de l’os à certains endroits du squelette. Ce type d’exercices exerce un impact ou une contrainte sur les os, qui favorise la croissance et la solidité osseuse. Citons par exemple la course, le saut à la corde ou le fait de soulever des poids. »
The British Association of Exercise and Sport Sciences
En 1999, la British Association of Exercise and Sport Sciences a demandé à un groupe d’experts de travailler sur le sujet de la musculation pour les jeunes, en se basant sur la littérature scientifique déjà existante ainsi que sur l’avis de spécialistes. L’équipe était composée de différents corps de métier : médecine orthopédique, éducation physique, sociologie, physiologie de l’exercice, psychologie et biomécanique.
Le rapport a été publié en 2004 dans le Journal Of Sports Sciences (4), il y a donc 10 ans, et déjà à l’époque ce document parlait des bénéfices de la musculation, des effets positifs sur la prévention des blessures, de l’importance d’être encadré par des professionnels, etc. Voici 2 extraits de ce rapport :
- « D’après les preuves scientifiques et l’avis des spécialistes, les exercices de musculation peuvent être bénéfiques lorsqu’ils font partie d’un programme sportif équilibré. »
- « Tous les jeunes doivent être encouragés à participer à des programmes de renforcement musculaire sûrs et efficaces, au moins 2 fois par semaine. »
Dix ans plus tard, l’avis de la British Association of Exercise and Sport Sciences n’a pas changé. Dans le but de fournir des recommandations au sujet de l’entraînement sportif pendant l’enfance et l’adolescence, un rapport a été publié en octobre 2014 (5). Voici notamment ce qui est indiqué dans le chapitre sur la force : « La pratique de la musculation pendant l’enfance et l’adolescence a été très controversée, mais si elle est encadrée par des professionnels qualifiés, c’est un moyen d’entraînement sûr et efficace. De plus, il a été démontré que cela est bénéfique pour améliorer une gamme de performances physiques (force, vitesse et puissance, etc). »
The American Academy of Pediatrics
L’Académie Américaine de Pédiatrie a régulièrement publié des études et des recommandations sur le thème de la musculation pour les jeunes. Dans un rapport paru en 2008 (6), l’AAP indique notamment que « des programmes d’entraînement de musculation adaptés n’ont pas d’effets négatifs apparents sur la croissance, les cartilages de conjugaison ou le système cardio-vasculaire. »
The Canadian Society for Exercise Physiology
Voici l’avis de la société canadienne de physiologie de l’exercice, publié entre autre dans un rapport en 2008 (7).
« Les effets bénéfiques de la musculation pour les préadolescents et les adolescents ont été régulièrement étudiés durant les 20 dernières années. Les mythes à propos de la musculation pour les enfants, comme la possibilité d’un retard de croissance, l’endommagement des cartilages de croissance et divers problèmes liés à la sécurité, ont régulièrement été démontrés comme étant faux dans la littérature scientifique. Plutôt que de contribuer aux blessures comme cela a souvent été pensé, il a été constaté que la musculation était sûre pour les enfants et que cela permettait potentiellement de diminuer la fréquence et la gravité des blessures causées par le sport.
La musculation doit être effectuée sous la surveillance d’un instructeur qualifié, en utilisant une bonne technique, une progression graduelle, un équipement adapté, des exercices en accord avec les capacités des enfants ou adolescents, et des échauffements et retours au calme corrects.
The Australian Sports Commission / The Australian Institute of Sport
En 2003, la commission des sports australienne a publié un rapport sur la pratique de la musculation pour les jeunes (8). Voici un extrait de ce document :
« La force et le conditionnement physique sont des éléments clés de l’entraînement pour les adultes et il y a eu de nombreux débats pour savoir si l’entraînement avec poids ou résistance convient aux jeunes.
La position actuelle sur la musculation pour les jeunes est qu’un programme d’entraînement correctement conçu et encadré est sûr et peut aider à augmenter la force, prévenir les blessures, et améliorer les compétences motrices et la performance. »
The American College Of Sports Medicine
L’ACSM encourage depuis de nombreuses années la pratique régulière d’exercices de musculation pendant la jeunesse. L’organisation publie notamment ses recommandations au travers d’ouvrages de référence, le dernier date de 2013 et évoque évidemment le sujet du développement de la force et de la musculation, y compris pour les jeunes sportifs (9).
Docteur Stéphanie Nguyen, pédiatre et médecin du sport à l’INSEP (Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance)
En 2010, lors de la 7ème conférence nationale médicale interfédérale du Comité National Olympique et Sportif Français, Stéphanie Nguyen a évoqué le thème de la musculation pendant la jeunesse (10). Voici un extrait de son intervention :
« Lorsqu’elle est réalisée dans de bonnes conditions, la musculation n’est pas un sport plus traumatisant qu’un autre. L’idée reçue concernant le ralentissement de la croissance par la musculation a été abolie par les études réalisées depuis la fin des années 1980. La musculation à but préventif permettra de préserver l’amplitude musculaire, de renforcer la musculation de soutien, de compenser les déséquilibres et les études ont montré que la musculation pouvait prévenir les blessures et améliorer la densité osseuse. Chez l’enfant, elle doit toutefois être considérée comme un complément. Elle permet également d’améliorer la performance sportive de l’enfant. »
The American Orthopaedic Society for Sports Medicine
La société américaine d’orthopédie et de médecine du sport approuve la pratique régulière d’exercices de musculation pour les enfants et les adolescents, notamment au travers de son programme STOP Sports Injuries, en faveur de la prévention et de la réduction des risques de blessures liées à la pratique sportive pendant la jeunesse.
Dans un article publié en 2012 sur le site de l’AOSSM (11), dans lequel il était question de certains mythes sur le sport, on trouve un passage concernant la musculation pendant la jeunesse :
« Mythe : La musculation pendant la préadolescence et l’adolescence engendre des lésions au niveau des cartilages de croissance.
Vérité : La musculation et plus généralement, l’entraînement de la force, demande une technique correcte pour éviter les blessures. Bien que quelques anciens rapports aient démontré des lésions sur les cartilages de conjugaison engendrées par la musculation, ces blessures ont été causées par une mauvaise technique, un encadrement et des consignes inadéquates de la part d’adultes ou des charges inappropriées. A l’exception de ces conditions, la musculation peut être pratiquée de façon sûre pendant la jeunesse.
Il est important que l’encadrement, la technique et les charges soient appropriés pour garantir un entraînement plus sûr avec un risque minimum de blessures. »
National Strength and Conditioning Association
En 2009, la NSCA a publié dans le Journal of Strength and Conditioning Research un rapport de 20 pages dans lequel elle indique sa position sur la musculation pratiquée pendant la jeunesse (12). Le rapport se base sur la littérature existante à ce sujet (le document contient 258 références), voici un extrait de la conclusion :
« En dépit des préoccupations dépassées à propos de la sécurité ou de l’efficacité de la musculation pendant la jeunesse, les preuves scientifiques indiquent que la musculation peut offrir des bénéfices observables sur la santé et la forme des enfants et des adolescents, à condition que des consignes d’entraînement appropriées soient suivies et que des instructions de personnes qualifiées puissent être délivrées.
En plus des bénéfices sur la performance, les effets de la musculation sur la santé, incluant la santé osseuse, la composition corporelle ou la réduction des risques de blessures liées au sport, doivent être reconnus par les enseignants, les coachs, les parents et les professionnels de santé. »
Références :
(1) Rhodri S Lloyd, Avery D Faigenbaum, Michael H Stone, Jon L Oliver, Ian Jeffreys, Jeremy A Moody, Clive Brewer, Kyle C Pierce, Teri M McCambridge, Rick Howard, Lee Herrington, Brian Hainline, Lyle J Micheli, Rod Jaques, William J Kraemer, Michael G McBride, Thomas M Best, Donald A Chu, Brent A Alvar, Gregory D Myer. Position Statement on youth resistance training: the 2014 International Consensus. British Journal of Sports Medicine 2014, 48 (7): 498-505.
(2) Faigenbaum, A. D., & Myer, G. D. (2010). Resistance training amoung young athletes: safety, efficacy and injury prevention effects. British Journal of Sports Medicine, 44, 56-63.
(3) World Health Organization. Global recommendations on physical activity for health. Geneva: WHO Press, 2010.
(4) British Association of Exercise and Sport Sciences. BASES position statement on guidelines for resistance exercise in young people. J Sport Sci. 2004;22:383–90.
(5) The BASES Expert Statement on Trainability during Childhood and Adolescence. Produced on behalf of the British Association of Sport and Exercise Sciences by Dr Melitta McNarry, Dr Alan Barker, Dr Rhodri S. Lloyd, Dr Martin Buchheit, Prof Craig Williams FBASES and Dr Jon Oliver.
(6) American Academy of Pediatrics. Strength training by children and adolescent. Pediatrics. 2008;121:835–40.
(7) Behm DG, Faigenbaum AD, Falk B, et al. Canadian Society for Exercise Physiology position paper: resistance training in children and adolescents. Appl Physiol Nutr Metab. 2008;33:547–61.
(8) Narelle Sibte, Australian Institute of Sport. Weight training – Pre-adolescent strength training – Just do it! 2003.
(9) American College of Sports Medicine. ACSM’s Guidelines for Exercise Testing and Prescription (9th ed.). Lippincott, Williams & Wilkins, 2013.
(10) 7ème Conférence nationale médicale interfédérale du CNOSF, Docteur Stéphanie Nguyen, Quel type de musculation en fonction de l’âge ? 2010.
(11) Sports Medicine Myths vs. Truths. Matthew Matava, Kevin Farmer, Kevin Shea, Lance LeClere. 2012.
(12) Avery D. Faigenbaum, William J. Kraemer, Cameron J. R. Blimkie, Ian Jeffreys, Lyle J. Micheli, Mike Nitka, and Thomas W. Rowland. Youth resistance training: updated position statement paper from the National Strength and Conditioning Association. J Strength Cond Res. 2009;23(Suppl 5):S60–79.